Archive for août 2009

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Cent ans de platitude

août 26, 2009

J’ai dans le sang des globules intempestifs comme des fenêtres qui n’avertissent pas avant de s’ingérer. J’ai la nuit d’un autre sur le bout de la langue, la nuit d’un conquérant atrophié qui me persécute les papilles gustatives. Il y a Gengis Khan et l’empire mongol en entier entre mon épiglotte et mon œsophage. Ce serait si simple d’avaler, mais je n’ose pas, je ne dois pas. Il ne faut pas tirer sur le héros avant d’avoir discuté, au moins un peu. Sinon les fins arriveraient brutalement et l’on se taperait des génériques à ne plus finir pendant que nos globules continueraient de poper sans cesse, poper en nos veines semi-précieuses. Toujours en train de poper, je serais condamné à cent ans de platitude sans sursis. Vraiment, sans sursis!

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Piñata

août 20, 2009

Il n’y aura malheureusement pas de Piñata. On verra un éléphant promener des enfants sur son dos gigantesque; il s’en faudra même de peu qu’il piétine quelques bouilles téméraires au passage biscornues qu’offre l’orée du petit bois. On se baignera dans la rivière certes, avec des couleuvres et des batraciens de toutes sortes comme le font les enfants de notre âge. On jouera probablement à Marco Polo sans que la rivière ne sorte de son lit, malgré l’agitation que notre petite horde s’évertuera à lui prodiguer. Il y aura des feux d’artifice vert et bleu, des guimauves grillées au feu de bois. Le répertoire complet de chansons de camp sera mis en banque route, les voisins appelleront trois fois la police, deux fois pour rien. Certains camperont dans la cour, d’autres ne dormiront tout simplement pas. La nuit sera décorée d’un bout à l’autre de couleurs festives.

Il n’y aura pas de Piñata malmenée par mes bras chétifs, mais entêtés de gamin; pas de friandises en suspension dans l’air au moment crucial où ma force atteindra le maillon faible de la figurine. L’univers restera en place sans « bing bang », sans fissure. Tout sera épargné, jusqu’à la prochaine fois…

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Subconscient

août 11, 2009

Un jour il y aura une petite fissure sur ta peau. L’odeur de la dinde au four sonnera minuit sans que l’univers s’en mêle et tu vieilliras d’un rire comme seule ride. Tu vieilliras d’un rêve et ce sera tant mieux parce que tant qu’il y aura de la peau, il y aura matière à t’embrasser. Même s’il ne restait que le vide; que des cendres, je t’inventerais de l’espace pour y accueillir mes lèvres, mais je m’égare. Nous serions bien habillés pour la messe de minuit, au cas où. Prêt à s’agenouiller pour je ne sais quoi, prêt à respirer l’air du temps. Faire comme le monde, sans se soucier. Balbutier des cantiques maladroitement dans l’oreille du millénaire, palper la nuit de nos mains agiles et encore jeunes pour cajoler les frémissements de l’hiver. Droit devant, le regard comme un dirigeable, nous serions des rois mages perdus dans Montréal.

Une petite fissure sur ta peau juste assez grande pour y verser la vie au creux du temps, pour mélanger nos traits dans le moule des âmes.

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Mon voisin est un mafieux

août 1, 2009

Je n’ai pas de preuves, mais je le sais. Il a un je ne sais quoi dans sa démarche soupçonneuse; toujours un pied qui traîne un peu derrière et l’autre qui saute sporadiquement pour compenser. S’il a un nom de mafieux, c’est surement le traineux, ça ne me surprendrait pas qu’il ait fait certains contrats de nettoyage dans le quartier. Des têtes qu’ont voient un jour et puis qui « hop » disparaissent sans crier gare. De façon très propre bien sûr, ce n’est pas le genre d’homme à se vanter : « ouais, j’ai tué lui, j’ai buté ça ». Non, non, ça se voit dans ses yeux, c’est un discret, un professionnel. S’il avait un contrat sur ma tête, je serais probablement le dernier à le savoir.

Il y a des nuits où j’entends à travers les murs les échos de la mort. Je l’imagine en train d’enlever la vie sans remords, gratuitement, le faire avec un certain appétit. Toujours les mêmes lamentations. Il fait l’amour à sa femme comme on égorgerait un poulet. C’est assurément un mafieux, alors je me tiens tranquille, j’absorbe.